Je ne sais pas où je vais. Tout le monde court, tout le monde s'agite.
Vous souvenez-vous de votre premier meilleur ami ? La personne a qui vous préfériez tenir la main à l'école. La personne avec qui vous préfériez jouer dans la cour et préparer votre prochaine connerie. Ah oui, cette personne est mythique. Surtout MA première meilleure amie. Elle s'appelait Rebecca. Elle était belle, elle était gentille et elle m'a acceptée dès le premier jour avec ma connerie. Je l'aimais tant ma Becca. Elle était juste à moi et c'est pour ça qu'on restait toujours rien que toutes les deux.
Puis un jour, gros drame, j'ai déménagé et ma vie s'est écroulée. Nous avions tout prévu, la blonde et moi, le giga-appartement, les adorables petits chiens et nos maris qu'on aurait échangé de temps en temps. J'ai fait la gueule à mes parents pour ça. Ils m'avaient trahie, ils ne pouvaient pas se rendre compte de ma peine. Ma Rebecca elle me manquait. Pour sûr que j'avais un trou dans le cœur. Mais je n'étais qu'une gamine alors j'ai vite passé l'éponge et mon chagrin s'est rapidement estompé.

J'en suis arrivée au point d'espérer qu'en enfer il y ait du bonheur.
Je me souviendrais toujours de ce soir là où, en rentrant de l'école avec mon père, j'ai découvert ma génitrice au lit avec ce vieux porc de Dudley Thurmann. Qui était cet homme ? Rien que le voisin qui sort régulièrement récupérer son courrier en pantoufles, caleçon menaçant de cracher ses bijoux de famille et peignoir arrivant à la taille.
C'était bien plus son style que mon père, me répétait-elle après le divorce. Et moi, du haut de mes dix ans, je ne comprenais absolument pas ce qu'elle trouvait à ce beauf à la petite bite et aux grosses fesses. Dans les deux mois qui suivirent, nous fûmes de fête. Et oui, c'est qu'ils se sont mariés ces deux vieux cons, me laissant là, complètement dépitée.
C'est à partir de ce jour là que ma vie commença à être moche. Se prenant pour mon père, Thurmann prenait plaisir à me mettre des branlées. Pour tout ou rien. Puis je ressemblais à ma mère, disait-il. Puis je sentais bon et ma peau était douce. Il aimait tant à me comparer à de la soie ou une brebis. Il s'est mis à me toucher de plus en plus, et de plus en plus souvent. Ma mère était complètement aveuglée par l'amour qu'elle lui portait, à son mari. Et mon père ? Désespéré il était tombé dans l'alcoolisme. Un vrai légume.
Après deux ans à me dire que ce n'était pas une vraie vie, que ce n'était qu'un cauchemar et que j'allais finir par me réveiller, j'avais décidé de tout laisser en plant. Je me sentais trop étouffée au milieu de tout ça, je ne pouvais plus rester ainsi. C'est pour cela que je vidais le contenue de la boîte à pharmacie dans mon estomac jsuqu'à en avoir la nausée et le cerveau engourdi. Je me suis mise dans mon bain et me suis endormie en quelques secondes... Puis je me suis réveillée, une semaine après. Dommage.

Parait-il que mon attitude donne la gerbe. J'vous emmerde, les braves.
Après six ans et un nombre incalculable de tentatives de suicide, j'étais encore là. Comme une poupée de chiffon. Je raccompagnait souvent mon père après les réunions des alcooliques anonymes. Ce soir là nous étions sortis plus tard que prévu. Et j'ai vu ces femmes sur les trottoirs, postées à côté de leurs lampadaires avec des allures de poulettes de luxe. Elles étaient belles et semblaient libres. Les regarder me donnait envie d'être l'une d'elles. C'était décidé : Papa, je veux être une pute.
Puis j'ai foncé dans ma chambre et ai emballé le peu d'affaires que j'avais avant de partir de la maison avec la carte bleue.
En quelques mois j'étais devenue l'une des prostituées les plus demandées de Pigalle. J'avais MON coin de rue et aucune autre péripatéticienne ne s'y incrustait de peur de se prendre un coup de griffes. Et oui, j'étais devenue peste. Si les clients m'aimaient, ce n'était pas le cas des " collègues ". Oh ça non. Elles disaient de moi que je foutais la gerbe avec mon comportement. Et moi ? Je restais avec mon cynisme et leur riais au nez.

C'est ainsi que tu me rappelles la personne que je suis vraiment.
Un jour, alors que je sortais du squat où je vivais depuis quelques temps avec d'autres filles de la même trempe que moi. La blonde était là. A mon coin de rue. Très peu vêtue, l'air paumée. Elle était si mignonne que je ne me sentais pas de l'agresser de suite pour l'affront qu'elle venait de faire.
Elle s'appelait Masha m'avait-elle dit. Et moi je lui avait simplement sourit. Aussi bizarre que ça puisse paraître, c'est moi qui fut sa toute première cliente, à la blonde. Lorsqu'enfin je me suis présentée à elle, nous nous sommes reconnues. Masha était tout simplement ma jolie Becca. Si vous saviez comme j'étais heureuse de la retrouver.
Après ça, je ne pus que la guider et veiller à son bien-être. Il nous arrivait parfois de faire des plans à trois avec nos clients en demandant plus d'argent. Et nous couchions ensemble.
Notre but : Récupérer le maximum d'argent pour abandonner cette vie de merde. Cela dura encore de nombreux mois jusqu'à ce que... « Chérie, on se casse. »

A suivre !